Passer la soirée à lire Je ne pense plus voyager, de François Sureau, emprunté à la bibliothèque. Il faudra sûrement acheter ce livre pour le garder près de soi : il est beau, et on aime Charles de Foucauld.
Comme l’auteur, on a rencontré un jour Charles de Foucauld, sans vraiment comprendre le personnage et son histoire. Mais on a senti qu’il n’y avait pas de hasard dans cette rencontre-là.
Foucauld, c’est un homme de rien : « (Il) n’a rien à proposer, ni action, ni rendement » (page 63). Il était seul, rongé comme beaucoup par le passé : « on dit qu’une de ses pires épreuves était le souvenir » (page 86).
On est resté longtemps page 71 dans laquelle l’auteur évoque le dictionnaire touareg élaboré par Foucauld ; et ce mot « Edel » qui signifie tout à la fois espérer, ou arriver de nuit quelque part, que l’on soit attendu ou pas.
Arriver quelque part. Attendu ou pas.
Tard dans la nuit, on reprend de vieux livres de Charles de Foucauld ou sur Charles de Foucauld et on regarde ses photos. Oui, il eut cette vie durant laquelle il avait le regard morne ; puis cette autre vie au regard intense qui voyait au-delà des choses ; là où il était arrivé, sans doute.
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Passer la soirée avec Charles de Foucauld.
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Passer la soirée sur le rivage des Syrtes.
Parce qu’on est en train de lire, encore plus lentement que d’habitude car on s’arrête constamment pour revenir aux livres qu’il cite, le dernier livre d’Alain Corbin, Une histoire du silence, passer la soirée à relire de larges passages du Rivage des Syrtes, de Julien Gracq.
Les livres de Gracq sont là, tout près, dans la chambre calme et silencieuse : ils ont un espace à eux sur les étagères. Il y a des années de cela, on les a tous recouverts de papier cristal pour les protéger de la poussière. Le volume qu’on prend en main ce soir est pourtant quelque peu défraîchi : la couverture en papier cristal, justement, est déchirée, et malgré le soin qu’on en a pris, le livre semble avoir été manipulé tant de fois... Oui, c’est vrai qu’on le feuillette souvent.
« Il y a dans notre vie des matins privilégiés où l’avertissement nous parvient, où dès l’éveil résonne pour nous, à travers une flânerie désœuvrée qui se prolonge, une note plus grave comme on s’attarde, le cœur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l’instant d’un grand épart. Quelque chose comme une alerte lointaine qui se glisse jusqu’à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes : c’est peut-être le bruit d’un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d’un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil ; mais ce bruit de pas éveille dans l’âme une résonnance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l’oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n’a pas plus d’écho que la mer ». (page 109).